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5 minutes avec... Frank Herzog, fondateur et PDG de Concept Laser
Basée en Haute-Franconie, la société Concept Laser est l’un des pionniers de l’impression 3D métal et s’inscrit parmi les leaders du marché mondial dans ce segment. Fondée tout juste en l’an 2000, l’entreprise apporte une importante contribution à la stratégie Industrie 4.0. Depuis décembre 2016, la multinationale américaine General Electric est l’actionnaire principal de Concept Laser. En automne 2018 a été célébré l’achèvement du « 3D Campus » au siège de la société, dont la construction a coûté près de 100 millions d’euros. Nous avons discuté avec Frank Herzog de l’évolution rapide de son entreprise.
La société Concept Laser est installée à Lichtenfels depuis sa fondation. Le site est en train d’être élargi en collaboration avec GE Additive. Pour quelles raisons la Haute-Franconie est-elle le point de départ idéal pour votre société ?
Dans le passé, on m’a souvent demandé comment cette technologie et notre entreprise avaient pu voir le jour ici, à Lichtenfels, dans la région rurale de Haute-Franconie. En somme, on sous-entendait que cet emplacement n’offrait sans doute pas les conditions requises permettant la création et le développement d’une entreprise high-tech. Ce n’est pas le cas, comme le prouve aujourd’hui notre histoire impressionnante qui va se poursuivre dans des dimensions encore plus grandes grâce à notre partenaire General Electric.
Mais pour répondre à votre question, il faut que les conditions requises soient réunies pour pouvoir donner vie à une telle technologie et à une telle entreprise. Et ces conditions sont complexes. Tout d’abord, il faut des esprits doués, en mesure de concrétiser des idées en des solutions techniques. La qualité de la formation, le développement et la disponibilité des membres du personnel titulaires d’un diplôme universitaire, en particulier dans les disciplines d’ingénierie, ont été et sont les pierres fondamentales de l’édifice que nous avons bâti ici, à Lichtenfels. J’en viens maintenant à la région universitaire de Haute-Franconie et de Franconie en général, que j’ai déjà citée à plusieurs reprises. À Lichtenfels, nous n’avons pas d’universités mais il nous faut moins d’une demi-heure pour rejoindre divers établissements d’enseignement supérieur. Cette proximité nous permet de collaborer, tant au niveau local que régional, avec des établissements de haut rang, en particulier dans les disciplines techniques.
Un autre aspect essentiel réside dans la qualité exceptionnellement bonne des infrastructures, marquées par un accès aux autoroutes et une desserte de l’ICE toutes les directions.
Enfin et surtout, grâce à leur excellente coopération au-delà des frontières des partis, les dirigeants politiques ont fait en sorte que le feu vert soit rapidement donné pour notre nouveau concept d’usine « 3D Campus ». C’est une chose qui, à mon sens, est normalement bien plus complexe dans une grande ville. Il s’agit là très certainement d’un avantage, la proximité avec les acteurs politiques garantissant un aboutissement facilité et accéléré des projets.
Vous avez élargi l’impression 3D au métal alors qu’elle était prévue à l’origine pour le traitement des matières plastiques. D’où vous vient cette passion pour la fabrication additive et le métal comme matériau ?
Ma passion pour ce matériau remonte au moins à mon adolescence. Je suis né à Bamberg, j’ai donc grandi dans un cadre plutôt campagnard. À l’époque, ce n’était pas simple d’aller à toutes sortes d’événements, le moyen de transport que l’on choisissait était le cyclomoteur. Il y en avait beaucoup plus qu’aujourd’hui et tous ceux de ma génération savent qu’un cyclomoteur est plutôt lent et d’un aspect banal. C’est ainsi que nous autres adolescents avons mis la main à la pâte et nous nous sommes mis à optimiser la vitesse et à embellir ces engins jusqu’à ce que nous nous soyons rendu compte que nous avions atteint (voire même un peu dépassé) les limites de l’admissible.
C’est à ce moment-là que j’ai décidé de faire de ma passion mon métier. J’ai alors débuté un apprentissage à la profession de mécanicien de précision dans le domaine médical au sein de la société Siemens à Erlangen, après quoi j’ai passé mon baccalauréat et j’ai commencé à réaliser mon rêve, à savoir de devenir ingénieur en génie mécanique à l’Université des sciences appliquées de Cobourg.
Pour financer mes études, j’ai gagné de l’argent en faisant de petits boulots, ce qui m’a conduit à une entreprise à Lichtenfels qui faisait elle-même partie des pionniers dans le domaine de l’application des technologies additives. Avant de commencer mon petit boulot, le fondateur en personne m’a fait découvrir son entreprise et c’est à ce moment-là que j’ai vu pour la première fois la technologie de stéréolithographie. Elle consiste à durcir de la résine liquide, couche après couche, au moyen d’un laser UV : à l’époque, on obtenait ainsi des prototypes et modèles de démonstration très fragiles ou les moules originels pour la technique de moulage. Ma première réaction a été : il faut qu’une technologie comme celle-ci soit utilisée pour les métaux.
C’est ainsi que « mon » histoire a commencé...
L’impression 3D est utilisée aussi bien dans l’industrie aéronautique et aérospatiale que dans le secteur automobile et le domaine de la technologie médicale. Selon vous, de quel potentiel dispose l’impression 3D vis-à-vis de l’innovation intersectorielle ? Les nouvelles technologies comme l’intelligence artificielle y ont-elles un rôle à jouer ?
Je me permettrais même de dire que l’impression 3D est une technologie intersectorielle.
En effet, l’impression 3D réunit des propriétés qu’aucune autre technologie de production n’est capable d’offrir. La fabrication en couches permet de créer des structures impossibles à réaliser avec d’autres procédés. On peut ainsi créer une construction légère qui revêt de plus en plus d’importance dans tous les domaines : pensons à l’actuelle polémique sur les émissions de CO2 des véhicules mais aussi des avions. Dans les moteurs des fusées, une diminution du poids d’un kilogramme grâce à la construction légère permet de réduire le coût de lancement de l’ordre de 20 000,00 euros.
L’impression 3D donne vie à des microstructures offrant à la pièce une bonne résistance en fatigue notamment ; des propriétés également impossibles à obtenir avec les méthodes conventionnelles. Ces propriétés sont intéressantes, tant pour la technologie médicale que pour l’industrie aéronautique et aérospatiale.
On pourrait citer ici encore plein d’autres exemples, comme dans les technologies d’automatisation quand il est question de production de masse et de réduction des masses en mouvement. Mais l’essentiel est que l’impression 3D présente une kyrielle de propriétés lui permettant d’avoir un impact décisif sur la conception future du produit dans toutes les industries possibles et imaginables.
Dans ce contexte, l’intelligence artificielle joue, à mon sens, un rôle crucial. Dans toute la chaîne des processus, à commencer par l’idée du produit jusqu’à la pièce finie, il existe des processus complexes qu’il y a lieu de maîtriser. Une technologie largement employée requiert le soutien de l’intelligence artificielle, sans quoi cela reste une technologie pour les experts.
Le caractère disruptif de cette technologie donnera lieu à des assemblages en construction légère, des matériaux composites, etc. à travers tous les secteurs, je peux déjà le prédire.
La start-up Concept Laser est vite devenue une entreprise moyenne ayant des débouchés dans le monde entier. Afin de faire face à cette croissance fulgurante, vous avez recherché un partenaire adéquat pour reprendre Concept Laser. Comment est né le partenariat avec General Electric ? Et comment fonctionne la communication interculturelle entre la Bavière et le Massachusetts ?
Pour être honnête, ce n’était pas notre intention d’établir une entreprise pour finalement avoir recours à un partenaire plus tard. Nous avons vu dans notre société l’exemple classique d’une entreprise moyenne, profondément ancrée dans la région, vouée à son personnel et, à moyen terme, nous avions prévu de constituer une direction compétente afin de bâtir l’entreprise sur des bases solides pour l’avenir. Le développement de produits haut de gamme et la grande satisfaction des clients ont été et sont toujours notre ambition.
Nous avons connu plusieurs années de croissance exceptionnelle où notre chiffre d’affaires et nos effectifs ont parfois été doublés. De plus, nous connaissions les prévisions de toutes les importantes agences de conseil économique qui avaient prédit des taux de croissance hors normes sur une longue durée, en particulier pour l’impression 3D métal.
En raison de notre situation, nous avons discuté avec des experts pendant plus d’un an pour finalement arriver à la conclusion que nous n’étions pas en mesure de faire face à cette croissance de nos propres moyens. Compte tenu de la dynamique du marché, il faut un partenaire d’envergure mondiale.
Lorsque nous avons fait savoir sur le marché des fusions et acquisitions que Concept Laser était à la recherche d’un partenaire afin de poursuivre sa croissance, nous avons reçu 48 retours positifs de sociétés en partie de grande taille, désireuses de mener des entretiens approfondis. Nous avons réduit ce chiffre à huit puis à quatre candidats et finalement, nous avons choisi General Electric.
Le fait que nous étions en position de force nous a bien sûr beaucoup aidés dans nos recherches, nous avions du high-tech à proposer et notre entreprise était plus que rentable.
Néanmoins, l’élément décisif a été de choisir entre soit poursuivre en tant qu’entreprise moyenne soit de chercher un partenaire permettant à la société et la technologie de partir à la conquête du monde. Une décision qui doit être prise au bon moment.
General Electric était l’un des intéressés, ses antécédents étaient complètement différents des autres candidats. Ce qui nous a convaincus de poursuivre notre chemin avec General Electric, c’est tout simplement que notre nouveau partenaire partage notre passion pour la technologie, ce qui constitue un important point commun. La société a commencé il y a environ une décennie à développer une technologie pour la fabrication de composants dans l’aviation. Nous avons également été convaincus par la vision claire de la direction que General Electric voulait prendre avec l’impression 3D métal et surtout avec nous, autrement dit c’est la transformation de la technologie et de notre entreprise en une infrastructure d’envergure mondiale qui nous a convaincus.
Les cultures pour leur part, et ce après presque deux ans de collaboration, sont totalement différentes, ce qui rend ce voyage si passionnant. Lorsque quelque chose marche très bien, nos collègues américains ont plutôt tendance à sortir de leur coquille et à faire preuve d’un enthousiasme exacerbé, tandis que les gens de Franconie restent plutôt modestes et cachent la lampe sous le boisseau. Rassembler ces mentalités est quelque chose d’excitant, mais je discerne une grande volonté de part et d’autre d’établir une nouvelle culture. Ces deux cultures ont en commun leur engouement incroyable et leur foi dans notre technologie, jusqu’au sommet de la société.
Concept Laser investit plus de 100 millions d’euros dans le site de Lichtenfels en coopération avec GE Additive. Il est prévu que le nouveau 3D Campus accueille 500 employés et que les départements Recherche et Développement, Production, Service après-vente et Logistique soient unis sous le même toit. Quelle importance revêt la connexion intelligente de ces différents départements ? Comment fait-on pour modeler sa chaîne de production selon le concept de l’Industrie 4.0 ?
Pour commencer, parlons du bâtiment. Nous avons environ 570 portes à gérer et ce, avec différents profils d’accès. Cela concerne l’ensemble de la gestion énergétique jusqu’à la coordination des infrastructures de cantine : une tâche inconcevable de nos jours sans les solutions numériques. Nous allons mondialement connecter au niveau numérique nos surfaces de référence, où sont réalisés les projets clients et où sont fabriquées les pièces avec l’impression 3D métal, avec les autres sites de GE Additive à l’aide de notre plateforme de données interne PREDIX. Cela nous permettra d’analyser le taux d’utilisation et le comportement des machines en temps réel, de les utiliser à bon escient et de prédire des schémas comportementaux.
Ce système pourra ultérieurement être élargi à nos clients en analysant le comportement de leurs imprimantes 3D métal et en allongeant les cycles de maintenance en rapport. Le service après-vente n’interviendra alors que lorsque la machine l’estime nécessaire. Pour moi, c’est cela l’Industrie 4.0 « par excellence ».
Dans la production, nous devons gérer une gamme de produits relativement large tout en maîtrisant la croissance exceptionnelle des affaires. Cela signifie que nous devons avoir recours à un système de gestion des stocks haute performance pour pouvoir synchroniser à la perfection approvisionnement, préassemblage, assemblage final et mise en service. D’un autre côté, nous devons relever les données de performance pendant la phase de création du produit qui nous permettront d’augmenter l’efficacité du montage et de la mise en service des installations, de mieux coordonner les interventions de nos employés et ainsi de réduire la durée des cycles ainsi que de garantir la haute qualité des produits.
Revenons-en maintenant au produit. À l’avenir, il sera impossible de réussir sur ce marché si l’on se spécialise uniquement dans une imprimante 3D métal fonctionnant bien. Il se « passe » beaucoup de choses, en particulier en amont de l’impression. Les pièces doivent être examinées pour déterminer leur comportement au sein du processus, autrement dit en marche à sec. Le processus de fabrication et le comportement de la pièce à créer sont extrêmement complexes et doivent être maîtrisés par des opérateurs disposant de l’expérience requise. Si cette technologie est utilisée en masse à l’avenir, il faudra des automatismes pour libérer les futurs opérateurs de certaines tâches vis-à-vis de la préparation et du traitement des données, mais aussi pour la manipulation de la machine. Les logiciels de simulation, de préparation des données et de surveillance des processus aideront à mieux ancrer cette technologie dans le processus de production quotidien.
À l’avenir, les chaînes de données continues occuperont une place très importante à ce niveau.
Concept Laser s’engage avec la Concept Academy dans la formation des jeunes talents. Vous offrez, entre autres, des programmes d’études en alternance en coopération avec l’Université des sciences appliquées de Cobourg où vous avez vous-même fait vos études. Quels espoirs sont placés par votre entreprise dans la Concept Academy ?
La Concept Academy est née, pour l’essentiel, de mes expériences avec mes anciens camarades étudiants en génie mécanique qui étaient parfois frustrés que leur travail effectué dans les entreprises de stage restait au fond d’un tiroir. J’ai moi-même obtenu durant mes études une bourse pour passer un semestre à l’étranger, dans le centre de l’Angleterre, où j’ai planifié l’intégration de robots industriels dans les chaînes de production et construit des structures soudées, voire des tables rotatives tout entières. Cela m’a également permis de mettre en service chez le client deux petits projets, dont j’étais totalement responsable, et je sais ô combien c’est motivant et cela rend fier d’élaborer une solution et de lui donner vie.
C’est là, pour l’essentiel, l’esprit de cette académie. Son but est de donner aux jeunes et futurs diplômés, entre autres, la mission de mettre au point une solution dans un cadre pratique. L’objectif visé est de toujours poser de « vrais » problèmes et de toujours mettre en œuvre de bonnes solutions dans la pratique. Grâce à une culture d’entreprise allant dans ce sens, les jeunes s’identifient à leur mission mais aussi à l’entreprise.
Nous avons notamment profité de ce programme académique durant notre période de plus forte croissance, étant donné que les jeunes ingénieurs que nous avons recrutés sont issus de notre propre académie. Cela a aussi eu un bon côté pour les jeunes car ils savaient parfaitement ce qui les attendait en optant pour un poste permanent au sein de Concept Laser et vice versa.
Vous êtes très attaché à votre région, non seulement au niveau professionnel mais aussi dans votre vie privée. Quelles localités de la région aimez-vous tout particulièrement ?
Notre région et surtout notre paysage sont d’une très grande beauté. Nous avons beaucoup de nature et nous pouvons faire des activités en extérieur. Il nous suffit pour cela de passer le pas de notre porte. En ce qui concerne les localités et les événements, il y a aussi bien sûr beaucoup de possibilités. Le Staffelberg est un lieu que j’aime beaucoup, non seulement en tant que coureur et randonneur mais aussi en tant qu’homme de famille. Le canoë et le kayak sur le Main sont des activités fantastiques pour découvrir la nature dans la vallée et quand on évoque la Haute-Franconie, il serait vraiment fâcheux de ne pas mentionner notre culture de la bière, les nombreuses petites brasseries qui proposent tout un panaché de bières.
Et il y a aussi les gens attachés à leur région, fidèles à leurs racines et très posés. C’est tout ceci qui fait de la Haute-Franconie un lieu où il fait bon vivre.
Grâce à Internet et à une bonne infrastructure de transport, nous sommes aussi connectés à tous les grands centres mondiaux des temps modernes, ce qui est on ne peut plus important pour que les régions rurales ne soient pas mises à l’écart.
Compte tenu de l’avancée de la digitalisation de la société, les régions rurales d’aujourd’hui ne sont pas comparables à celles d’il y a 25 ans.
La Bavière vit avec son temps. Elle associe traditions et développements sociaux modernes avec un charme bien à elle.
Monsieur Herzog, merci beaucoup pour cet interview détaillé.
En savoir plus:
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